Nous avons tous remarqué dans des immeubles en friche , sur des murs de zones industrielles ou encore le long de voies de chemins de fer ces grandes fresques réalisées à la bombe de peinture. Chacun a alors une réaction différente, en fonction de son histoire personnelle, de sa culture ou de sa sensibilité. On entendra parler de vandalisme, d'oeuvre d'art ou de barbouillage... Mais si on y regarde de près, la réalisation d'une telle fresque demande une grande maîtrise de l'art de la peinture en spray, qui va bien au delà de simplement appuyer sur la valve de la bombe..
Un matin d'automne, je retrouve Omouck et ses amis quelque-part en France puis nous partons vers un ensemble de bâtiments totalement délabrés, perdus quelque-part au milieu d'une nature qui a repris ses droits. Nous nous installons pour la journée alors qu'Omouck commence à tracer ses esquisses sur le mur, et très vite les bombes entrent en action. La futur fresque, qui ne ressemble encore qu'à un ensemble d'aplat de couleurs, commence à prendre forme. Le "pschitt" des bombes se mêle alors aux mélodies hip-hop et rap...
"C´était un jour pas comme les autres
Que commence par une chose extraordinaire"...
Nous ne somme pas les premiers à venir ici; quasiment chaque pièce du bâtiment est orné d'une oeuvre qui peut être simplement naïve ou humoristique, porter un message politique ou être parfois trash ou de mauvais goût. Le squelette de béton gris et ravagé de l'immeuble retrouve ainsi quelques couleurs.
Après une rapide pause-déjeuner, rejoignons Omouck. L'aspect final du graf' commence à ressortir des aplats de couleurs. Un trait noir par-ci, un dégradé par là et l'oeuvre prend du relief, à tel point qu'on se demande si le mur est réellement plat... Et partout les bombes s'entassent alors que les uns et les autres évoquent des réalisations passées ou des oeuvres en projet.
"Rien à faire, qu´est-ce que je fais là ?" . Il y a toujours Java à la radio...
L'art du graff' est né dans les années 1970 sur la côte est des Etats-Unis pour arriver très vite en France, l'un des premiers à apporter cela dans notre pays au début des années '80 sera Bando, dont on peut voir encore quelques rares réalisations ou signatures qui ont échappées aux affres du temps ou aux réhabilitations des lieux. Le créateur ne sais jamais si le support de son oeuvre perdurera dans le temps. Et si le support reste, sa création peut se voir recouverte par une nouvelle oeuvre ou tout simplement saccagé... à coup de bombe de peinture! Le développement de cet art en France fera couler beaucoup d'encre, et ce, à cause d'une minorité qui confond création artistique et vandalisme. Et comme tout excès dans un sens entraine une réaction tout aussi excessive dans le sens inverse, le graff' à très vite été catalogué comme activité de voyou, image dont il a aujourd'hui du mal à se défaire.
J´ai fait "taxi! Au Palace" La nuit tombe. Il est temps de rentrer, Omouck apporte les dernières retouches à son oeuvre, pose son blaze puis chacun admire sans doute une dernière fois la fresque terminée. Elle peut en effet être rapidement recouverte ou disparaître sous la pioche des démolisseurs... Le graf' est un art éphémère.
On a pris le premier RER, de cinq heures et demi
L´omnibus pour l´paradis,
On a fait un arrêt à l´épicerie,
Mais arrivé à la gare, c´était la grève,
On voulait rentrer dans l´au-delà
Mais on était d´dans jusqu´au cou sur un banc
Cherchant du rêve
On est resté à regarder les hommes
Brasser du vent.
Mais qu´est-ce que j´fais là !...
Paroles : Java - Dieu
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